Vous êtes l’expert « câble » de RATP Dev. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce mode de transport et ses avantages ?  

Depuis le Grenelle Environnement de 2007, le transport par câble est considéré, à juste titre, comme un mode de transport en commun vertueux. Le téléphérique présente en effet de très nombreux avantages, à commencer par sa faible empreinte environnementale. Pour vous donner une idée, son bilan carbone par passager est jusqu’à 30 fois moins élevé que celui d’une voiture. Il présente de nombreuses caractéristiques recherchées pour un mode de transport plus propre : 100% électrique, il est aussi composé de matériaux essentiellement recyclables (plus de 85%). Le câble aérien a également un impact au sol très limité par ses appuis isolés. Cela permet donc d’ajouter et de croiser de nouveaux flux sans que cela ne rajoute de congestion au routier ou au tram déjà présents. Dans des villes fortement urbanisées, aménagées, c’est un véritable atout pour limiter l’artificialisation des sols et proposer un mode de transport vertueux pour les habitants, rapide, fiable et collectif : il permet de transporter plus de 10 000 passagers par heure.  
 
Un autre avantage majeur du câble, c’est son coût total de possession très compétitif comparé aux autres solutions de transport public et sa vitesse de déploiement (12 à 18 mois de travaux seulement). Le câble aérien peut donc être la solution la plus pertinente et la moins onéreuse lorsque les collectivités examinent les différentes réponses possibles à une problématique spatiale en ville comme le franchissement d’un obstacle.

Pourtant on a le sentiment que le câble urbain reste un mode encore peu présent dans le paysage urbain français et européen ? Y a-t-il un vrai avantage pour RATP Dev à investir sur ce mode ? 

En France, nous avons l’art du paradoxe. Nous sommes le pays leader de la filaire conception-réalisation de ces systèmes de transport, avec des fleurons industriels et des cabinets d’ingénierie de renommée mondiale et nous disposons du plus grand parc mondial de remontées-mécaniques. Et pourtant, nous n’avons aujourd’hui que peu de déclinaisons urbaines. Ce retard est assez vrai en Europe en général, mais il tend à se résorber.  

Il y a une réelle pédagogie à faire autour du câble. Auprès des professionnels et des collectivités, d’abord, qui n’envisagent pas toujours spontanément le câble comme une solution. Auprès du grand public, ensuite, qui ignore bien souvent sa faible empreinte environnementale et ses avantages, pour ne réduire l’implantation d’un téléphérique qu’à un débat esthétique. Pourtant, les câbles aériens installés dans les grandes urbanisations mondiales ont démontré leur attractivité. Ils sont plébiscités tant par les habitants que par les touristes pour leur efficacité et les points de vue extraordinaires qu’ils proposent. Les habitants des villes doutent aussi parfois de l’adaptabilité de ces systèmes aux personnes en situation de mobilité réduite, aux enfants et aux personnes âgées. Pourtant, l’expérience client est très satisfaisante : les cabines sont modernes, confortables et faciles d’accès. Ce grâce à des techniques telles que l’arrêt des cabines en montée et descente permettant l’accès PMR et le transport en cabine de poussettes et de vélos. La réalité est assez éloignée de l’imaginaire sportif du ski qui prédomine encore beaucoup quand on évoque ce mode. 
Enfin rappelons que le câble est le deuxième moyen de transport le plus sûr au monde après l’avion. 

Le téléphérique urbain représente-t-il une solution de mobilité pérenne sur des zones urbaines denses et étendues comme l’Île-de-France ?  

D’abord, permettez-moi d’insister sur un point : le téléphérique est à raisonner en tant que solution de mobilité intermodale. C’est-à-dire qu’il doit être pensé comme complémentaire aux autres modes de transport traditionnels et non comme mode alternatif dans toutes les situations. On ne cherche pas le « tout téléphérique », cela n’aurait pas de sens. Le câble aérien représente une solution adéquate et pertinente sur des segments de mobilité contraints par la topographie (dénivelés importants, cours d’eau…) ou des « cicatrices urbaines » (autoroutes, voies ferrées…). 

En ce sens, les collectivités doivent appréhender ce mode de transport collectif comme une solution à envisager face à des contraintes spatiales particulières qui vont faire que le câble sera la meilleure réponse à un contexte donné. Nous avons pour cela, au sein de RATP Dev, une expertise de conseil et d’accompagnement personnalisé pour étudier l’adéquation des technologies de câble aérien aux caractéristiques locales et une expertise d’exploitation et de maintenance alliant une forte expérience opérationnelle, la maîtrise du cadre réglementaire, le partage de bonnes pratiques, une approche organisationnelle robuste et de l’innovation. 

Nous avons aujourd’hui une expérience reconnue tant en téléphérique, que nous exploitons depuis 2013, qu’en systèmes à câble terrestres avec l’expertise historique de la maison-mère qui exploite depuis les années 60 le funiculaire de Montmartre, précurseur des remontées mécaniques en milieu urbain. 

Nous pouvons de ce fait être ambitieux : le câble aérien a un avenir certain dans nos villes françaises, y compris dans les zones denses comme l’Île-de-France. Il doit cependant rester une solution de mobilité à inscrire dans une démarche intermodale. Pour cela, un de nos enjeux est de communiquer autour de cette solution encore trop méconnue en ville et de faire évoluer les perceptions des habitants pour augmenter leur adhésion aux différents projets de câbles aériens urbains. Un projet de câble en milieu urbain n’est pertinent que si les populations y adhèrent et se projettent en futurs voyageurs.